Christian Piot
28.135
Minutes
10
Buts
4
Trophées
Je suis convaincu que Christian Piot est l’un des meilleurs gardiens de but européens et peut-être même du monde.
– Eusebio
« Les mains d’or » . Tout est dit. En un titre, sous la plume de Raymond Arets, journaliste liégeois (Les Sports, RTBF), l’empreinte géante laissée par Christian Piot, un des gardiens de légende du temple rouche. Successeur de Jean Nicolay (1968), il a transmis son bâton de Maréchal à Michel Preud’homme (1977), c’est dire l’immense bonheur – et chance – du Standard d’avoir pu compter sur de tels talents et personnalités pendant plus de trois décennies (1954 – 1986).
Affilié à l’âge de quinze ans, en traversant le Pont d’Ougrée, Christian Piot qui était alors… apprenti-boucher – a pris place dans les buts pour la première fois le 2 janvier 1967 pour s’arrêter 322 matches plus tard avec, à la clé, la triple couronne des années Hauss (1969, 1970, 1971) et un Soulier d’Or (1972) décroché dans la foulée de prestations exceptionnelles avec les Diables rouges (3e place décrochée à Sclessin face à La Hongrie) après un 0-0 retentissant dans l’antre italienne de San Siro chez les vice-champions du monde de Mexico 1970.
« J’ai passé les quinze plus belles années de ma vie au Standard. Le rêve pour un Liégeois. J’ai été champion de Belgique, j’ai été international (40 sélections) et disputé en 1973 à Wembley le match Angleterre/Danemark/Eire qui faisaient leur entrée dans le Marché Commun avec l’équipe européenne où j’ai commencé le match avant d’être remplacé par l’Italien Dino Zoff… qui n’était pas encore champion du monde (NDLR : neuf ans plus tard en Italie). Il y avait Vogts, Beckenbauer, Müller, Netzer, Marius Tresor et… Van Haneghem hi hi… » Un Batave dont on reparlera… Des regrets ? « Quand vous devez arrêter votre carrière au plus haut niveau à moins de 30 ans. Surtout pour un gardien, cela fait très mal de voir un Zoff champion du monde à 40 ans ! »
La faute à des genoux récalcitrants : « J’ai été opéré, pour la seconde fois de ma vie, en 1977. En juillet 1978, lors d’un match de Coupe d’été à Duisbourg, un attaquant allemand m’a défoncé le genou et a arraché toute l’articulation. Au total, j’ai été opéré cinq fois avant de devoir me résoudre à ranger mes gants… » Et dire que ce match, Piot n’aurait jamais dû le jouer : « J’avais reçu une invitation de la BBC pour participer à ‘Superstars’ (ndlr : entre 1973 et 1985, une épreuve sportive avec différents athlètes de disciplines différentes comme Bjorn Borg, Kevin Keegan, Jackie Stewart, James Hunt, Daley Thompson, etc…). Mais voilà, Roger Petit avait refusé que j’y aille. » Rideau. Fin de carrière : « La médecine réparatrice n’était pas celle d’aujourd’hui. Mon invalidité a été reconnue à 22 % – pour laquelle il touchait royalement 128 € mensuels au départ – ca pèse pas lourd sur ma pension… »
Aucune amertume. Il assume totalement son parcours. Fait de plaies et de bosses, de coups durs mais en pliant jamais. « On pourra toujours dire que je suis né trente ans plus tôt et qu’avec les salaires actuels ma famille serait à l’abri pour plusieurs générations. Mais je ne suis pas à plaindre. Il y avait pourtant des clubs qui payaient mieux que le Standard. Par Lucien Levaux, le délégué historique de Puma et grand ami de Pelé, j’ai su que Johan Cruyff aurait bien aimé m’avoir à Barcelone mais à l’époque le règlement de la Liga limitait l’équipe à deux étrangers et il y avait déjà Johan Neeskens. Le seul vrai contact, c’est avec le FC Bruges. Monsieur Petit qui était le big boss du club voulait 20 millions de FB (500.000 €) mais Bruges ne voulait en mettre que quinze. Ca s’est arrêté là…» Pas d’arrêt Bosman à l’époque, un joueur était pieds et poings liés à vie avec un club. « Aujourd’hui, donner sa vie à un seul club, c’est fini. Ryan Giggs à Manchester United, cela devient une exception. »
A son tableau de chasse : 10 buts, dix penalties évidemment. Parce qu’à l’époque il était inconcevable d’aller roder dans la surface adverse lors des coups de pied arrêtés. « Mon seul job, c’était d’arrêter tous les tirs. Marquer pour un gardien, c’était impensable. C’est René Hauss qui m’en avait laissé tirer un à Linfield Belfast. On menait 0-2 à la dernière minute. Le Chef savait que je les tirais bien à l’entraînement. Normalement, à ce moment-là, c’était Léo Dolmans qui les bottait mais Dolly en loupé un au Beerschot et j’ai pris ma chance. »
Si Sclessin est évidemment son jardin préféré, la cuvette du Kuip de Rotterdam le fait grincer des dents : « Deux coups de poignard, c’est sûr. En 1974, on bat Feyenoord à l’aller. La première manche (28/11/1974) avait reportée de quinze jours à cause de la neige. J’égalise après l’heure de jeu et Thissen fait 3-1 à la dernière seconde. Une semaine plus tard, au retour, j’ai pas trop de ballons pendant une heure. Puis Gigi Govaert rate une passe en retrait que Peter Ressel intercepte pour me dribbler. Une minute plus tard, un tir frappe les deux poteaux et me revient chanceusement dans les bras. Je dis ‘Chris, il ne va rien t’arriver aujourd’hui’… » Puis cette 69e minute fatale : le tir de Wim Van Haneghem lui passe entre les jambes. « Au moment où je suis sûr d’avoir le ballon en main, je regarde où je vais pouvoir dégager et le cuir est derrière la ligne de but. Impardonnable évidemment. C’est le match qui a marqué toute une génération de supporters du Standard et les autres bien sûr (rires) »
Cet enfer qu’il revivra en quart de finale de l’Euro 1976 avec les Diables rouges : « En janvier, je m’étais blessé lors d’un match amical au stade olympique de Munich. La triplette avec le ménisque, les ligaments croisés et intérieurs. Normalement, c’était six mois au minimum avec un premier mois dans le plâtre. Le rendez-vous avait lieu le 25 avril. En mars, Monsieur Goethals est venu toutes les semaines à Sclessin : ‘Ca va aller, hein fieu ! ». Fin mars, je ne pouvais toujours pas plonger. Au moment de me poser la question de confiance, je lui ai dit : ‘Je ne suis pas prêt, prenez Jean-Marie (Pfaff)’. Sa réponse : Fais – moi plaisir, ne dis rien, c’est mon dernier match… » Résultat un 5-0 bien servi avec un Rensenbrinck (trois buts) faisant tourner en bourrique un certain Eric Gerets : « Je fais un match moyen. Mais même à 100 % j’en aurai pris trois. Mais dans mon coin, j’étais heureux parce que j’avais été rassuré par l’état de mon genou. Au retour, Guy Thys me met sur le banc, je lui ai dit ‘La prochaine fois, laissez – moi chez moi’. … ». Il ne jouera plus que quatre matches avec les Diables – dont un but en Italie – et arrêter son compteur contre les Pays-Bas (0-2) le 26 mars 1977.
L’après-carrière sera (très) difficile pour lui. « De 1967 à 1976, Roger Petit, qui était surtout le secrétaire général du Standard n’a jamais cotisé pour nos lois sociales. Ensuite, en signant mon premier contrat pro, j’aurai dû prendre le statut d’indépendant ce que personne ne savait évidemment… »
On se souviendra qu’il a tenu un magasin de souvenirs religieux puis un hôtel-restaurant à Banneux avant de se retrouver sur la paille à son divorce. On le retrouvera dans la restauration avec Dominique, sa compagne, chauffeur-livreur puis livreur de pains avec Didier, son fils aîné pour terminer carriste à Amblève. « Je n’ai chômé que quatre mois dans ma vie. Entre mon poste d’entraîneur des gardiens au Standard (2000-2005) et mon entrée chez Isosystem. »
Sa volonté de transmettre son savoir, il l’apportera aussi au…FC Liège, à Aywaille et à Hamoir. Ses fils Didier, un moment dans le noyau pro du Standard, maître-pâtissier qui vient d’ouvrir un second établissement à Francorchamps et Julien (20 ans) qui évolue à Gouvy en première provinciale luxembourgeoise ont dû porter un nom bien lourd à supporter : « On ne leur a jamais rien pardonné… »
Si son idole reste Jean Nicolay, Christian ne cache pas son admiration actuelle pour Manuel Neuer, le Bavarois, « pour ses sorties au pied » et Thibaut Courtois « une exception mondiale dont on ne voit où pourrait s’arrêter sa trajectoire après l’Atlético, Chelsea, le Real Madrid et, bien évidemment, les Diables rouges. » Son vrai plaisir. Se retrouver tous les quinze jours dans le Chaudron de Sclessin. « On sent le président Venanzi attentif à l’histoire du club et ses racines. Le cœur du club, ce sont ses supporters. Il n’y a que cela qui n’a pas changé depuis 60 ans… »
Sa présence dans le Hall of Fame, il la résume en une mot : « Fierté. L’amour que tout le monde m’a donné dans le milieu du football n’a pas de prix. Aujourd’hui, il ne me reste que mon Soulier d’Or sur la cheminée et le bonheur d’être Standardman à vie… »
(c) Christian Raspiller, septembre 2018
Naissance: 4 octobre 1947, à Ougrée
Nationalité: Belge
Position de jeu: Gardien
Affiliation au Standard: 1 juillet 1962 – 29 janvier 1984
Trophées avec le Standard: 3x Champion de Belgique (1969, 1970, 1971); 1x Coupe de la Ligue (1975)
Sélections internationales / buts: 40 / 1
Carrière
Formation
1959 – 1968
1962 – 1965
R. Ougrée F.C. (130)
Royal Standard Club Liégeois (prêt)
Noyau A
1965 – 1968
1968 – 1984
1984 – 1988
1988 – 1990
Royal Standard Club Liégeois (prêt)
Royal Standard Club Liégeois
F.C. Ensival (5932)
R.C.S. Verviétois (8)
Statistiques
Matches
Championnat de Belgique
Coupe de Belgique
Coupe de la Ligue
Coupes d’Europe
255
29
15
23
Doelpunten
Championnat de Belgique
Coupe de Belgique
Coupe de la Ligue
Coupes d’Europe
6
1
1
2