Jean Nicolay

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Trophées

« Jean était un vrai guerrier.  Pour moi, il est le plus grand gardien belge de tous les temps. »

Christian Piot, gardien légendaire du Standard Liège

Au moment où le Standard retrouve en Arnaud Bodart un gardien formé au club capable de s’installer durablement entre les perches, cette éclosion rappelle le temps béni où le club liégeois ne devait pas placer un dernier rempart sur la liste des priorités en matière de recrutement. Quand les aléas d’une carrière nécessitaient l’émergence d’un successeur, la solution était naturellement trouvée. Cette lignée a duré du début des années 50 jusqu’à la fin des années 90 au siècle dernier: Toussaint Nicolaÿ, son frère Jean Nicolaÿ, Christian Piot, Michel Preud’homme et Gilbert Bodart étaient tous des gars du coin avant de devenir tour à tour le gardien du temple de Sclessin.

Indirectement, le lien est établi avec Arnaud Bodart… et pas seulement parce qu’il est le neveu de Gilbert : « J’ai fait mes tests au Standard à la fin de la saison quand j’avais sept ans », se rappelle l’actuel international Espoirs. « Si je me souviens bien, c’est Jean Nicolaÿ qui était venu aux renseignements auprès de mon père… »

Jean Nicolaÿ. Si l’impact d’un joueur sur l’histoire d’un club se mesure aux détails, cette réalité est palpable en bord de Meuse. Au sein de l’Académie, la section des gardiens s’appelle « l’Ecole Jean Nicolay » et un des trente loges situées dans la tribune 1 de Sclessin porte le nom de l’ancien rempart (en compagnie notamment de Christian Piot et Michel Preud’homme).

« J’aurais tué père et mère pour être titulaire au Standard », avait-il coutume de dire quand il jetait un regard rétrospectif sur sa carrière. «J’étais fou du Standard, aucun sacrifice ne m’aurait découragé pour mériter ma place. Si le football a cimenté ma famille, il l’a aussi divisée…»

Les Nicolaÿs au Standard
Le côté unificateur a été la présence d’un Nicolaÿ au Standard de manière ininterrompue du début des années 40 (avec son autre frère Adolphe) à 1969, année du départ de Jean au Daring Molenbeek. « En 1951, j’avais treize ans, j’ai signé ma première affiliation », rappelait-il quelques années avant sa disparition le 18 août 2014. « A cette époque, on ne pouvait pas le faire plus tôt. Jusque l’âge de 15 ans j’ai évolué comme… attaquant. Techniquement ça allait mais je n’avais pas de course alors j’ai changé de boulot. Être gardien m’attirait car je souhaitais un poste individuel où je pouvais me gérer. »

Deux ans plus tard, Jean Nicolaÿ pouvait faire ses premières armes dans le noyau A (1er match de championnat à Waterschei, le 18 décembre 1955) avant de devenir définitivement en 1957 la doublure de son frère Toussaint, préfigurant le côté sombre de cette situation. Alors que Toussaint avait connu les premières heures de gloire du Standard (la première Coupe de Belgique en 1954, le premier titre de champion de Belgique en 1958) et avait gardé les filets lors du premier match en Coupe d’Europe contre Heart of Midlothian, l’entraîneur hongrois Géza Kalocsay (qui avait succédé au Français André Riou) provoquait un drame familial en changeant de titulaire pour le match retour à Edimbourg. Le jeune Jean eu vent de cette décision lors d’une promenade avec plusieurs équipiers dans la cité écossaise 24 heures avant la rencontre. « J’ai entendu les anciens en parler, parlant d’injustice te de scandale. Je n’étais au courant de rien. Moi-même, je trouvais logique de Toussaint joue ce match-retour. Kalocsay estimait que j’étais plus puissant que mon frère et pourtant j’ai été bousculé pendant 90 minutes là-bas ! »

Plus dur et moins diplomate que son prédécesseur, le coach hongrois n’était pas là pour tenir compte des états d’âme de chacun, alors que la volonté des instances dirigeantes de Sclessin était de préparer une nouvelle génération aux réalités du foot européen, que le Standard voulait côtoyer de manière régulière. Toussaint Nicolaÿ a été une des victimes collatérales. « Le coach aurait pu préparer la succession de manière diplomatique. Je tenais ma chance mais je n’avais pas pris la mesure de la douleur et du désarroi de mon frère. Je l’aimais, je l’admirais. Si j’avais eu sa détente, j’aurais été le meilleur gardien du monde..  mais le football a été plus fort.  »

Si la famille Nicolaÿ s’est divisée entre les pro-Toussaint et les pro-Jean (avant une réconciliation en promesse à leur maman plusieurs années plus tard), cette brouille n’a pas empêché Jean de participer à la création du mythe Standard avec ses épopées européennes (comme cette élimination en quarts de finale de la C1 en 1959 au parc des Princes face à Reims devant 6000 supporters liégeois malgré un penalty arrêté) et ses quatres nationaux (champion en 1958 (en tant que doublure), 1961, 1963 et 1969, vainqueur de la Coupe en 1966 sans disputer la finale et 1967). Des années habillé en noir comme le grand Lev Yachine et passés sur le terrain à martyriser son corps alors que la science médicale était loin d’être aussi pointue que maintenant.

« J’habitais à Bressoux et au début de ma carrière je devais prendre deux trams pour rallier le stade », narrait-il alors que plus tard il roulait en vélo pour rallier Sclessin. « Nous nous entraînions dans la fumée de la sidérurgie wallonne. Le brouillard était souvent compact et l’éclairage, approximatif. Les ballons étaient enduits de deux couches de peinture pour qu’on les aperçoive mieux. Je les prenais fréquemment en pleine poire car je ne les voyais pas arriver. Cela durcissait le caractère. Kalocsay nous a inculqué la discipline et la rigueur. J’avais à peine 17 ans. Le Hongrois me prenait à part pour me dispenser des entraînements spécifiques. Il m’a appris à sortir pour réduire les angles. Je sortais en banane, pour faire écran. J’effectuais des centaines de plongeons dans ses pieds, tête en avant. Mon pantalon collait à ma fesse et à ma cuisse. Mes membres brûlaient. Le lendemain, l’entraîneur me guettait. Quand je lui disais que ma jambe brûlait, il m’annonçait qu’on allait exercer l’autre jambe. À l’époque, je relevais tous les défis. J’étais fou, mais j’aimais cela. Pour qu’on parle de soi, il faut s’en donner la peine. »

Tout s’est enchaîné pour Jean Nicolaÿ durant la première moitié des « Golden Sixties » : titres de champion, Soulier d’Or 1963 et le mariage quelques mois plus tard. Le trophée décerné par le journal néerlandophone « Het Laatste Nieuws » avait une signification particulière. « Le premier pour un gardien de but et le premier pour un joueur wallon, ce qui n’était pas une mince affaire à l’époque », avait-il coutume de dire.

Equipe nationale
Evidemment, son parcours ne pouvait pas s’envisager sans la case Diables rouges où il a vécu notamment la concurrence avec un autre Liégeois Guy Delhasse. La première de ses 39 caps, il l’a obtenue le 24 mai 1959 lors d’un match amical au Heysel, contre l’Autriche perdu 2-0. « Pour me mettre à l’aise, Denis Houf avait demandé à jouer comme libéro… »

Durant ce parcours tricolore (malgré les réticences du secrétaire général Roger Petit à libérer ses internationaux en réponse à « l’anderlechtisation » du football belge), Jean Nicolay a vécu une expérience restée unique dans le football belge jusqu’à la participation des Diables au Mondial 2014 : fouler la pelouse mythique du Maracan à Rio de Janeiro. En fait, il a eu a eu l’honneur de disputer les deux matches amicaux face à la Seleçao, alors double championne du monde. Le retour au Brésil deux ans après « l’aller » à Bruxelles l’a évidemment marqué. « Jouer un match dans un stade aussi gigantesque c’était incroyable », nous avait-il confié peu de temps avant son décès.

Même s’il avait pris cinq buts le 2 juin 1965, Jean Nicolaÿ gardait un souvenir indélébile de cette rencontre. « Malgré cette défaite, la presse brésilienne avait écrit que j’avais été un des meilleurs joueurs de cette rencontre. On me citait dans la foulée de Pelé, Garrincha et Orlando. Un Belge, installé au Brésil, m’a fait parvenir des coupures de journaux de là-bas. On me voit sur plusieurs photos qui illustrent des actions brésiliennes et ils parlent de moi comme d’un seigneur du football européen. »

Aucune phase particulière durant le match n’avait imprégné sa mémoire. « Tout simplement parce qu’il y en eu tellement au cours de la rencontre ! », rigolait-il. « Les supporters au Maracana étaient surexcités après la défaite à Bruxelles sans Pelé et Garrincha. Après avoir tenu une mi-temps, nous avions craqué. Nous étions très fatigués pour disputer cette rencontre programmée en fin de saison. Nous étions restés une semaine là-bas en passant le plus clair de notre temps sur la plage de Copacabana, en dehors d’une l’une ou l’autre visite au centre de Rio. Quelques-uns avaient même pris du poids à l’occasion. Le sélectionneur de l’époque, Constant Vanden Stock, avait juste  prévu un entraînement au stade de Fluminense. »

Pour Jean Nicolaÿ, ce match ne fut pas l’unique fois où il a pu croiser la route du « Roi » Pelé. « Ce jour-là, je n’ai pas pu échanger ma vareuse avec lui. Il l’a donnée à un autre Diable. Cette chance m’a été donnée plus tard quand le Standard a affronté Santos en match de gala. Au total, je l’ai rencontré cinq fois et, à chaque confrontation, il me donnait une tape amicale dans le dos, tout comme Garrincha. »

Le match au Brésil était aussi un moment spécial de la carrière de Jean Nicolay. « Je n’étais pas le seul Liégeois à avoir fait le déplacement. Il y avait aussi Semmeling, les frères Sulon, Yves Baré. Et moi, j’ai porté le brassard de capitaine qui revenait normalement à Pierre Hanon. C’était un geste pour ma 35e sélection face au grand Brésil. »

La première année du triplé de l’ère René Hauss s’est avérée être la dernière de Jean Nicolay à Sclessin. En 68-69, Christian Piot fait plus que pointer le bout des gants. S’il a gagné définitivement, la bataille pour être numéro 2 au détriment de Daniel Mathy (qui s’est « tué » sportivement lors d’un derby perdu 4-3 au RFC Liège), le jeune Ougréen finit par profiter d’une relation moins chaleureuse entre son maître Nicolay et Hauss. « J’avais dit que je partirai le jour où, las d’écouter mes conseil, Christian m’enverrait directement à la gare. Lors d’un entraînement, il m’a dit que je le faisais ch…  L’heure avait sonné et je suis parti au Daring, seuls Christian Piot et Jean-Paul Colonval avaient été mis dans la confidence. J’ai averti Roger Petit un jour où nous étions à Bruxelles pour une réception. Je ne reprenais pas le car avec l’équipe puisque j’allais signer mon contrat…»

Le transfert s’est conclu pour un peu plus de 2 millions de FB (50.000 Euros) et, victime de problème au genou, Jean Nicolaÿ a fermé le chapitre bruxellois deux ans plus tard avant une dernière pige à Tilleur.

La comparaison entre les époques est toujours délicate mais ceux qui l’ont côtoyé n’hésite pas à parler du meilleur gardien belge de tous les temps…. En parfaite connaissance des nombreux autres passés par les cages de l’équipe nationale par la suite (à moins qu’un Thibaut Courtois ne mette tout le monde d’accord). « Jean Nicolay a réellement révolutionné l’art de se préparer », rappelait Jean-Paul Colonval en hommage à son ancien coéquipier disparu. « Il le faisait spécifiquement, ce qui n’existait pas à l’époque. Puis il nous lançait des défis, à moi, à Roger Claessen ou aux autres attaquants. Et je vous prie de croire que s’il avait décidé que nous ne marquerions pas à l’entraînement, et bien… nous ne marquions pas! »

« Jean était un guerrier et m’a transmis cet aspect-là de sa personnalité », a résumé Christian Piot. « Pour moi, il est le plus grand gardien belge de tous les temps. »

La passion du métier de gardien lui est restée chevillée au corps. Jean Nicolay a replongé dans le monde professionnel au début des années 80. Après avoir été appelé par Henri Depireux à Winterslag, où il a contribué à façonner Jacky Matthijssen, il est également passé par Malines (avec Michel Preud’homme), à Metz (Bernard Lama) ou encore Seraing (avec Ranko Stojic). Il a aussi connu l’équipe nationale suisse et les Diables rouges avant de revenir au Standard en 1998 à la demande Lucien D’Onofrio, devenant coach des gardiens en compagnie de son fils Jean et prenant Vedran Runje sous son aile.

A la tête de l’école de formation des gardiens rouches jusqu’à son décès, il a toujours eu un leitmotiv pour les jeunes pousses. « Il y a tout ici. Profitez-en au maximum. Tirez le meilleur de la formation que l’on vous offre en restant bien au chaud dans ce nid douillet. Il sera toujours temps, quand vous aurez terminé votre formation, quand vous aurez atteint votre sommet, vous envoler vers d’autres cieux

(c) Philippe Gerday – Novembre 2020

Date de naissance: 27 décembre 1937, à Liége
Date de décès: 18 août 2014, à Liège
Nationalité: Belgique
Position de jeu:
Gardien
Affiliation au Standard:
 24 mars 1951 – 30 juin 1969
Trophées avec le Standard: 6
 – 4x Champion de Belgique (1958, 1961, 1963, 1969), 2x Coupe de Belgique (1966, 1967)
Matches internationaux / buts:
  39 / 0

Carrière

Formation

1950 – 1955

Royal Standard Club Liégeois (16)

Noyau A

1955 – 1969
1969 – 1971
1971 – 1973

Royal Standard Club Liégeois (16)
R. Daring Club de Bruxelles (2)
R. Tilleur F.C. (21)

Statistiques

Matches

Championnat de Belgique
Coupe de Belgique
Coupe de la Ligue
Coupes d’Europe

279
18

36

Buts

Championnat de Belgique
Coupe de Belgique
Coupe de la Ligue
Coupes d’Europe

0
0

0